“Vous êtes-vous déjà demandé combien de fois dans votre vie vous aviez réellement dit merci ? Un vrai merci.” Delphine de Vigan interpelle d’emblée sa lectrice, son lecteur. Puis elle les entraîne à la rencontre de Michka tour à tour racontée par Marie et Jérôme.

Attentive à sa voisine Michka à laquelle elle s’est très tôt attachée, Marie perçoit les ruptures et les manques qui s’installent dans “le temps dorénavant (…) compté” de la vieille dame.

Dans la tête de Michk’ comme elle l’appelle, les mots s’emmêlent et peu à peu s’effacent mais pas la mémoire. Les moments d’enfance remontent aux souvenirs, visitent les rêves et les cauchemars. Nicole et Henri…rien n’atténue le profond désir de Michka de retrouver ceux qui l’ont si chaleureusement hébergée pendant la guerre : une quête dans laquelle Marie tente de l’accompagner.

Dans le nouvel univers de Michka, la maison de retraite, il y a Jérôme, l’orthophoniste, dont les exercices l’agacent, mais dont le passage est de plus en plus attendu.

Quand Marie est contrainte d’espacer, puis de suspendre, ses visites, le caractère vital de la présence de Jérôme s’affirme.

Parlant de l’un(e) à l’autre, Michka tisse un invisible lien entre ses deux interlocuteurs les plus réguliers. En accompagnant la vieille dame chacun à sa manière, Marie et Jérôme apprivoisent la vieillesse, un temps de vie qu’ils connaîtront peut-être.

“Quand je serai vieille, si je le suis un jour, il me restera ça. Le souvenir de la danse, les basses qui cognent dans le ventre, et l’ondulation de mes hanches.” pense Marie à un moment où la fragilité de sa vieille amie lui fait hésiter à la prendre dans ses bras.

“Vieillir, c’est apprendre à perdre” constate Jérôme en côtoyant les résident(e)s de la maison de retraite. Mais c’est aussi “N’avoir plus rien à perdre” et donc tout à gagner encore, comme ces délicieux quelques pas de danse esquissés avec Michka sur La Valse à mille temps de Jacques Brel (avec Eric Blau, 1959).

Merci à Delphine de Vigan pour ce roman qui remue et réconforte à la fois. Car, en miroir ou en filigrane, il est ici question de nous et de notre rapport à l’autre que nous sommes ou deviendrons peut-être.

 

JC Lattès, 2019