Quelle trace l’homme est-il en droit de laisser sur la Terre aux générations futures ?
Qu’est-ce qui relie un dessin préhistorique d’un mammouth dans la grotte de Pech Merle dans le Lot, au site de Bure dans la Meuse à 800 km de là ? A première vue, rien du tout. Et pourtant ce sont des traces qu’ont laissées des humains à d’autres humains. Et à Bure, ce sont celles que nos contemporains s’apprêtent à laisser en enfouissant sous terre des déchets nucléaires hautement radioactifs et dont la dangerosité est estimée pour certains à plus de 100 000 ans. Qui seront ces humains à qui nous allons faire ce cadeau empoisonné ? Comprendront-ils seulement ce qui se cachera sous la terre ?
Etienne Davodeau, scénariste et dessinateur de bandes dessinés, a choisi de relier ces deux sites en cheminant d’un point à l’autre, en traversant la France et en éprouvant physiquement ses paysages, son sol. C’est pour lui l’occasion de réfléchir à ce qui s’est passé dans la grotte de Pech Merle il y 30 000 ans et ce qui va advenir à Bure. Il convoque des scientifiques, des chercheurs, des sociologues, des habitants etc., avec lesquels il engage un dialogue pour comprendre ce qui se passe dans ce territoire reculé qu’est la Meuse.
Ce récit de voyage est très touchant, car il s’attarde à la fois sur de menus détails qui font le charme de ces traversées un peu hors normes, tout en mettant à la portée de tous les enjeux qui se cachent derrière le futur site d’enfouissement de Bure.
Il ne cherche pas à nier son parti pris, car il connait les forces des lobbys du nucléaire et a compris que la police est déjà de leur côté. Les luttes sont inégales et les opposants criminalisés au même niveau que des terroristes. Alors il cherche à faire la lumière sur ce sujet, avec ses moyens : sa plume et ses dessins.
A travers mon coup de cœur, je souhaite moi-aussi partager et diffuser sa parole, que le nom de Bure soit associé à ce cadeau empoisonné que des humains se croient en droit de faire aux générations futures sur un territoire faiblement peuplé (il fut à un moment donné question d’enterrer ces déchets à Bagnols-sur-Cèze, qui en aurait voulu dans le Gard ?). En tant qu’humains, nous avons une responsabilité envers nos enfants et tous les êtres en devenir. Que cet album résiste longtemps aux dommages du temps et de la mémoire.