« Une vie de sang, de sueur, d'encre et de pellicule ». Reporter, combattant dans la « Big Red One », scénariste, producteur, acteur pour Godard et Wenders, Fuller s'est taillé, en marge du système hollywoodien, une filmographie toute aussi prolifique qu'inégale mais résolument incontournable.
Observateur de la guerre ("Au-delà de la gloire") ou de la fragilité sociale ("Naked Kiss"), Samuel Fuller s’amuse avec les genres cinématographiques.
Pour Shock Corridor, le cinéaste a peu d’argent. Mais peu importe les décors cheap et l'absence d'acteur bancable, le réalisateur tient à son indépendance. Probablement inspiré par le roman de Ken Kesey, "Vol au-dessus d'un nid de coucou", sorti un an plus tôt en 1962, il créé le personnage de Johnny Barett. Journaliste ambitieux à l’affut du Pulitzer, ce dernier décide de se faire passer pour fou afin enquêter sur un meurtre survenu dans un asile.
Les pensionnaires de l’asile permettent à Fuller de cibler les maux de l’Amérique des 60’s : l’absurdité de la guerre, le racisme, ou la bombe A. Ainsi, Trent, jeune étudiant noir, à force d'humiliations quotidiennes, finit par se prendre pour un membre du Klu Kux Klan.
Pour autant le propos de Fuller n’est pas documentaire. Les danses de la petite amie streap teaseuse du journaliste, la mise en scène théâtralisée de la folie (dont une improbable chorégraphie de malades nymphomanes!) nous ramènent dans une forme cinématographique classique.
Pour accompagner les délires de ses fous, Fuller s’autorise des digressions en couleurs, une scène d’orage mémorable dans un couloir, et offre à son héros une fin attendue. Les archétypes appuyés et l’intrigue cousue de fil blanc pourraient laisser le spectateur mitigé…Mais la direction nerveuse de Fuller, alliée au talent du chef op’ de « La nuit du Chasseur », transforme cette histoire digne d’une série B, en un objet filmique osé, cadré et brutal.
Une phrase de Fuller, extraite de Pierrot le Fou, pourrait bien résumer la recette :
« Un film est comme un champ de bataille. Amour. Haine. Action. Violence. En un mot Emotion. ».
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